Fin du nucléaire asbl
Einde van kernenergie vzw
Ende der Atomkraft asbl
Fin du nucléaire asbl
Einde van kernenergie vzw
Ende der Atomkraft asbl
Le directeur de la centrale EDF du Tricastin (Drôme) vient de se prendre une rafale de lettres d’engueulade de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le gendarme de l’atome a en effet découvert que l’exploitant avait fait disjoncter certaines règles élémentaires de sécurité.
Les remontrances de l’ASN tombent d’autant plus mal qu’EDF a demandé l’autorisation de rallonger de dix ans la durée de vie des quatre réacteurs du Tricastin. L’enjeu est stratégique : les travaux de rénovation sur la centrale, qui courent jusqu’en 2023, doivent servir de modèle pour l’ensemble du parc nucléaire français. De leur réussite dépendra la prolongation des autres réacteurs...
La première châtaigne envoyée par l’Autorité de sûreté date du 27 mai. Ce jour-là, les inspecteurs font une descente au Tricastin, histoire de vérifier les mesures prises contre les risques d’inondation. Un point crucial, car la montée des eaux peut compliquer la régulation du cœur nucléaire et mettre la sécurité en rideau.
Les contrôleurs découvrent que les patrons de la centrale se sont assis sur la réglementation en modifiant la liste des installations de sûreté susceptibles d’être noyées : les stations de pompage et les galeries où passent les tuyaux de secours n’y figurent même pas ! Les inspecteurs toussotent également devant des tuyauteries « fortement corrodées » et « fuyardes » (sic), dont les ingénieurs sont incapables de leur expliquer la fonction !
Autre surprise : au sein des bâtiments abritant le combustible nucléaire, aucun contrôle systématique n’a été effectué pour savoir si les canalisations et les siphons d’évacuation de la flotte étaient ou non bouchés. Quelques-uns ont bien été identifiés par EDF comme obstrués, mais ils sont restés dans cet état — parfois pendant plus d’un an — sans que personne ne bronche.
Les représentants de l’ASN hallucinent carrément quand ils repèrent que l’un de ces siphons a été recensé — à tort —comme ayant été débouché. Leur rapport souligne, pince-sans-rire, que « cette pratique interroge sur la conformité » du reste des installations...
La centrale du Tricastin est une multirécidiviste des problèmes de plomberie. Déjà, en 2017, comme l’a raconté Mediapart (19/7), de nombreuses fuites avaient été détectées. Pour éponger la flotte, EDF ne disposait alors que d’un aspirateur, prêté par une société de nettoyage, et de quelques raclettes...
Un deuxième contrôle, mené les 18 et 19 juin derniers, énerve encore un peu plus les inspecteurs. Thème du jour : la gestion du risque de tremblement de terre. L’ASN constate que les 18 robinets incendie du bâtiment réacteur numéro 1 ont été déclarés « bons pour le service » en cas de séisme... Ce qu’EDF ne s’est pas donné la peine de vérifier ! Dans la foulée, elle s’aperçoit que des circuits hautement sensibles — et censés résister à un tremblement de terre maousse — ont été fixés sur une cloison de béton fissurée de part en part...
L’Autorité de sûreté en remet une couche au cours d’une troisième visite, effectuée le 24 juillet. Cette fois, il s’agit de décortiquer les raisons d’un incident préoccupant survenu, dix jours auparavant, sur le réacteur numéro 2. Encore un problème de robinet : la vanne qui commande l’un des circuits de secours permettant d’étouffer la réaction nucléaire est hors service ! En y regardant de plus près, les inspecteurs comprennent que ce fichu robinet avait déjà donné des signes de faiblesse... sans que la direction de la centrale s’en inquiète.
Le 31 juillet, une dernière excursion de l’ASN prend des airs de film de Charlot quand les inspecteurs décident de réaliser un exercice de crise de type Tchernobyl. Au programme : le cœur du réacteur qui entre en fusion et une perte totale de l’alimentation électrique et des communications.
Dans ce scénario catastrophe, il est prévu que les agents EDF restent en contact avec la salle de commande via des téléphones spéciaux. Mais, le 31 juillet, ces appareils de dernier recours sont tous rangés dans une armoire fermée à double tour, et personne ne sait où se trouve la clé.
Pour éviter Tchernobyl, prière d’acheter un porte-clés...
Indépendant mais pas trop...
L’AUTORITÉ de sûreté nucléaire (ASN) est censée jouir d’un statut d’autorité administrative indépendante : aucun ministre ou préfet ne peut s’immiscer dans sa gestion. Son antenne de Lyon — qui contrôle le Tricastin — a pourtant du mal à couper le cordon. La direction locale a expliqué au « Canard » que les journalistes devaient d’abord soumettre leurs questions au service de presse... de la préfecture de région. Le siège de l’ASN jure qu’il s’agit là d’une erreur et que son autonomie reste totale. Pourquoi, dans ce cas, ses bureaux lyonnais sont-ils installés dans des locaux préfectoraux ? Les deux institutions se partagent même le standard téléphonique.
En toute « indépendance ».